rencontre avec Victoire Panouillet

Nous avons rencontré Victoire à la fin de  son spectacle  « Improvise moi » qui se joue tous les samedis au guichet Montparnasse.

Rédacteur en chef (REC)

Victoire PANOUILLET (V)

REC : Bonjour Victoire, comment avez-vous décidé de quitter le milieu journalistique pour monter sur scène ?

V : Au départ, j’ai fait de l’improvisation théâtrale car je suis une personne très timide et cela m’a aidée à être une meilleure journaliste. Ce métier est ancré en moi depuis que je suis petite et vers la fin du lycée on m’a parlé des cours d’improvisation théâtral. Au début, il y a 10 à 12 ans, c’était juste une passion afin d’être moins timide et de parler mieux aux gens… d’avoir moins peur et de m’accepter un peu plus. Je me suis rendue compte, il y a 3 à 4 ans, que faire de l’improvisation théâtrale a pris un peu plus d’ampleur et que j’aimais bien donner des cours. J’aime aussi monter sur scène et créer un spectacle et du coup cela fait an où il y a eu une bascule qui a fait que je suis devenue plus comédienne que journaliste. Je continue néanmoins à réaliser des documentaires et travailler sur des projets qui m’intéressent.

REC : De cet art thérapie qui peut être vu comme un travail sur la non estime de soi afin de faire naître l’estime de soi, l’absence du bégaiement, voire de vaincre une pathologie verbale et psychique… Comment arrive-t-on à se dire que lors de ces cours intensifs, c’est quelque chose qui vient nous happer jusqu’au point de quitter une carrière et presque totalement un emploi de journaliste ?

V : Je ne sais pas comment répondre à cette question, mais à un moment, il y a le questionnement sur la part de bonheur qui rentre en compte, à savoir dans quel domaine et dans quel milieu, je suis la plus heureuse et épanouie. Pour ma part, je me suis rendu compte que de travailler sur des spectacles et de répéter, m’apportait plus de bonheur que le travail de journaliste.

REC : Pouvez-vous nous expliquer, comment, avant de monter sur scène pour improviser une rencontre tous les samedis, se déroule le spectacle avec ce concept fort simple quoique : un panier avec des phrases poétiques que vous avez entendus au fils des semaines, des mois voire des années et une personne du public qui est désigné pour venir te lancer avec cette phrase tirée au sort.

V : En fait, au début c’est dans un carnet que j’utilisais pour le journalisme et sur les documentaires, que je notais des petites phrases intéressantes puis en 2020, je me suis habituée à noter des phrases dans ce carnet et je pense avoir dépassé la centaine de citations.

La personne désignée regarde dans le carnet, une phrase ou un auteur qui l’interpelle et parallèlement j’interroge le public, les spectateurs afin de récupérer des mots surprenants, des métiers qui les font rêver, des odeurs qui leurs rappellent leurs enfances, des bruits qui les énervent. Je pose différentes questions afin de récupérer deux à trois mots et ensuite je demande à la personne qui a feuilleté mon carnet de me lire la phrase et j’associe cette phrase avec les différents éléments glanés au sein du public et je commence l’histoire improvisée.

REC : Et donc seule sur scène ?

V : Oui seule sur scène. D’habitude on assiste à plusieurs petites scénettes qui n’ont pas forcément de lien les unes avec les autres. Pour moi, c’est une histoire de A à Z où on a la présentation d’un premier personnage, d’un second voire d’un troisième et au fil de l’histoire, on comprend par quoi ils sont reliés, l’impact de l’un sur l’autre, réalisation d’enquêtes policières…etc. On est davantage sur l’antériorité des personnages, sur ce qu’ils ressentent et du coup on essaie de toucher des thèmes universels : le rapport au travail, au bonheur, à l’éducation ou encore comment devenir parents quand on a eu des parents toxiques ou absents.

Ce sont des questionnements qui touchent l’ensemble du public quelque part. Je dis « on », même si c’est un seul en scène, car la régie à une énorme part dans cette mise en situation : on a un régisseur lumière et un régisseur au son. Soit ils me suivent, soit ils m’impactent en mettant un noir ou un plein feu…

REC : On peut être seul(e) sur scène mais il y a toujours en arrière une régie ?

V : Je me permets de rebondir sur ce que vous venez de dire, c’est ce côté ou on fini par accepter en impro de ne pas savoir où on vas et on saute dans l’inconnu puis on justifie cet inconnu. Après avoir récupérer toutes les informations, le premier noir dure 5 à 6 secondes puis c’est un saut dans l’inconnu où je crée des personnages, des situations pendant une vingtaine de minutes, et pendant ce premier jeu, je cherche à les relier entre eux, je n’ai pas la fin de l’histoire au début. Par exemple la première date j’incarnais une personnes âgée dans une librairie poussiéreuse et au bout de quinze minutes j’ai compris que tout cela appartenait au registre du deuil et qu’il était temps pour cette « vieille » femme de se remettre de son deuil. Les liens j’arrive à les créer à force de faire de l’impro depuis 12 ans donc mon cerveau arrive à créer ces liens que je ne possède pas au début de chaque histoire. L’effet de surprise est aussi présent grâce à mes régisseurs.

REC : Le travail de radio est une sorte d’impro comme d’avoir dans la même journée quatre classe ou on va parler de l’œuvre : « On ne badine pas avec l’amour »… le sujet restera le même, les informations transmissent aussi, reste la façon de les distiller aux élèves et c’est en cela que consiste le métier de l’impro. Je pense que par rapport à des situations précédentes et des situations synonymiques, on peut avoir quelques pistes et là je fais le parallèle avec une troupes que j’ai rencontré il y a quelques années : les « One up on a time » qui présentaient le spectacle « sabotages », au bout de cinq années, on retombait sur les mêmes situations, les mêmes phrases chocs, et cela m’avait rebuté du théâtre d’impro.

V : Certains théâtres d’impro ont un canevas et ils vont insérer deux situations dans ce canevas, cela n’est plus du théâtre d’impro alors que moi pas du tout. Je récupère les informations, je me jette dans l’inconnu et au fur et à mesure je comprends en jouant où vont aller mes personnages. Dès que des mots m’ont déjà été donnés, j’en demande d’autres afin que l’on ne me dise pas, « alors tu as refait comme l’autre fois ». Si on a un canevas, je me sens moins sincère et moins spontanée et on y perd en jeu de comédien. La force de l’impro est la spontanéité et puiser en soi afin de créer un univers, des personnages et une ou des histoires.

REC : Dans votre seul en scène avez-vous des accessoires ou est-ce que votre corps participe à l’impro… ou alors est-ce juste votre voix qui donne vie à la situation ?

V : Le seul décor est une chaise sur scène, nous n’avons pas de déguisements, de chapeaux, pas d’objets qui interviennent, je ne fais pas du multi personnages, chose que l’on voit beaucoup en impro, je ne joue pas un personnage A qui répond à un personnage B.

Mes personnages sont interrompus par des situations afin de garder ce côté poétique et enchanté. Le but n’est pas de faire rire mais de faire ressentir des émotions aux spectateurs. Il y a un personnage par scène mais jamais plusieurs dans une même scène.

REC : Ce qui m’a plu dans votre présentation c’est le mot poésie… enfin de l’impro poétique ! Quand je l’ai vu, j’ai pensé aux contes d’Andersen puis mon imaginaire s’est déporté dans l’univers de Saint-Exupéry. Oui nous avons une jeune comédienne dynamique sur scène, mais au-delà on a une poétesse qui nous amène dans son univers : on assiste à de la poésie intemporelle !

V : On a démarché plusieurs théâtres et souvent il y avait un stand up avant et après et nous, on voulait un lieu avec de belles histoires d’où notre choix pour le théâtre « Le Guichet Montparnasse » qui est un lieu riche en belles histoires… On essaie de faire et de créer un espace intimiste, un petit cocon et le créneau de 17 heures est parfait car c’est avant l’apéro, il ne coupe pas la journée !

Questionnaire de Proust :

REC : Quelle est la musique qui vous rend joyeuse ?

V : Taylor Swift « Sweet Nothing…. »

REC : Quel est le défaut dont vous aimeriez vous débarrasser ?

V : Le lâcher prise, de se dire que ce qui est imparfait restera imparfait dans la vraie vie et pas uniquement sur scène.

REC : Quelle est la qualité que vous aimeriez avoir ?

V : Etre moins anxieuse, plus sereine et plus légère dans la vie

REC : Avec quelle personne vivante ou décédée aimeriez-vous dîner ?

V : Félix Radu et Alexandre Astier. Ce sont des personnes intelligentes et passer une soirée sans parler boulot doit être très enrichissant. Ce sont de belles personnes

REC : Quel est le compliment que vous détestez que l’on vous fasse ?

V : Tu es gentille

REC : Avez-vous une phobie ?

V : Je suis arachnophobe (la peur des araignées)

REC : Avez-vous un lieu préféré à Paris ?

V : L’improvi’bar

REC : Si vous étiez un prix ou une récompense, lequel ou laquelle seriez-vous ?

V : Le Prix Albert Londres

REC : A qui aimeriez-vous dire pardon ?

V : A moi-même quand je suis trop dure avec moi

REC : Si vous étiez un animal ?

V : Un Koala

REC : Une couleur ?

V : Le bleu/vert

REC : Un des quatre éléments ?

V : L’eau

REC : Un lieu où vous avez déjà joué ou bien, où vous aimeriez jouer ?

V : Jouer dans un théâtre Antique

REC : Le lieu idyllique pour passer des vacances ?

V : le Manoir de la poterie en Normandie

REC : Plutôt Pac à l’eau ou Piscine ?

V : Pac à l’eau, le rosé c’est beurk (sourire)

REC : Plutôt Cosmopolitan ou jus d’orange ?

V : Ni l’un, ni l’autre, le jus d’orange est trop amer et l’autre est surcoté ! Je suis plutôt boissons naturelles

REC : Plutôt campagne ou Paris ?

V : Campagne

REC : le Rooftop Toit de l’Europe ou la Place de la Bastille ?

V : La place de la Bastille

REC : Cigale ou Silence ?

V : Les bruits de la nature.

 

Spectacle : tous les samedis à 17h

Lieu : Guichet Montparnasse, Paris

Titre : Improvise moi une histoire